CANADA
FRANCE
Wednesday, 8 May 2024 02:50 PM EDT
RÉGION
Montpellier
OBSERVATION
Cétacés
PÉRIODE
2002
AUTEUR(S)
Julien MARCHAL
Stéphanie RAYNAUD

Bonjour à tous,

Notre rapport sur : La pollution et ses effets sur les cétacés

L’étude des effets de la pollution sur les mammifères cétacés qui sont, tout comme l’espèce humaine, en haut de la chaîne alimentaire est un bon indicateur de la pollution marine, conséquence de la pollution terrestre.

Introduction
La pollution des eaux est un facteur de destruction bien plus important pour l’écosysthème marin, que la pêche industrielle à outrance, elle-même plus dévastatrice que la petite pêche artisanale. Si les marées noires ont un impact direct sur l’opinion publique elles n’en demeurent pas moins très limitées géographiquement avec des effets à court terme. Les pollutions les plus néfastes pour l’équilibre fragile de la vie maritime ne sont pas les plus visibles. Bien au contraire, ce sont celles qui se voient le moins. Les organochlorés, les métaux lourds et rejets divers, souvent illicites, constituent la plus grande menace pour la survie des mammifères marins.
Les organochlorés :

Les cétacés sont en haut de la chaîne alimentaire. Chez ces derniers on distingue deux catégories : les mysticètes qui possèdent des fanons et les odontocètes qui eux ont des dents. La dentition de l’autocète lui permet d’avaler des proies de grosse taille alors que le mysticète doit se contenter de petits ichtyophages tels des krills, des crevettes, des harengs ou des sardines.

Les cétacés accumulent progressivement les polluants contenus dans chaque maillon de la longue chaîne alimentaire, c’est pourquoi les plus grands mammifères sont les plus menacer par les produits toxiques. C’est donc l’alimentation qui constitue la plus importante cause de contamination. Ainsi les organochlorés, sous famille de produits chimiques qui regroupent les hydrocarbures, les pesticides, herbicides et insecticides constituent une menace pour l’équilibre marin. Ces produits sont très persistants dans l’eau de mer et se répandent au gré des courants à travers les océans.

Le Chlore est présent dans chacun des organochlorés et a la particularité de pouvoir agir sur les tissus vivants durant des années. Ils s’accumulent dans le plancton le rendant fortement toxique et contaminant tout le reste de la chaîne alimentaire. Les cétacés stockent ces substances dans leur graisse, lorsqu’ils se blessent ou sont malades ils puisent des ressources dans ce lard contaminant de la sorte les principaux organes vitaux. Les mères transmettent ces polluants à leurs fœtus par échanges trans-placentaires et donnent vie à des baleineaux déjà intoxiqués.

Les plus répandus de ces organochlorés sont le D.D.T (dichloro-diphényle-trichloréthane) et ses métabolites : le D.D.D. (dichloro-diphényl-dichloro rétane ) et le D.D.E (dichloro-diphényl-ethylène). Le D.D.T, chez l’homme comme chez les mammifères marins, provoque des cancers divers, des troubles génétiques et la destruction du système de communication et du système immunitaire. Ce produit est interdit en France mais il y est fabriqué puis exporté dans les pays en voie de développement.

Le second organochloré est le P.C.B., c’est ainsi que l’on nomme les hydrocarbures halogènes à haut poids moléculaire. Il existe 209 constituants qui se retrouvent dans les isolants électriques, les plastiques, la métallurgie, la peinture et autres encore Il possède les mêmes effets nocifs que le D.D.T. mais engendre en plus troubles de la spermatogenèse chez les mâles et des bouleversements du cycle œstrogène chez les femelles, provoquant des avortements et mettant ainsi en péril la pérennité de l’espèce.

Le T.B.T. ou Tributyline est utilisé pour lutter contre les bernacles et algues qui se fixent sur les coques de bateau. Ce produit est un poison qui se répand dans l’eau et tue les organismes vivants avant qu’ils ne puissent s’accrocher aux embarcations. Aujourd’hui, 93% des usines implantées dans le bassin méditerranéen utilisent des cellules de mercure à particule de chlore, leur rejet qu’ils soient par émissions atmosphériques ou déchets solides va rejoindre naturellement les eaux. De la même manière les différents pesticides utilisés dans l’agriculture depuis les années 50 en France s’infiltrent dans le sol par l’action d’érosion, de ruissellement et regagnent les nappes phréatiques.  Les organochlorés sont responsables de la destruction de la couche d’ozone, de la disparition à grande échelle des forêts et de la destruction de l’écosystème marin.

Les métaux lourds :

Bien que les orgonochlorés constituent une véritable menace à moyen terme pour les cétacés et le reste de la vie marine, ils ne sont malheureusement pas les seuls polluants présents dans les eaux
océaniques et maritimes.

Les métaux lourds comme le mercure, le plomb, le cadmium etc., développés à la fin de la 2ème révolution industrielle, représentent un grand danger. Déjà dans les années 50 on prit conscience de leurs effets hautement nocifs suite à l’intoxication mortelle survenue à Minamata au Japon. Les habitants avaient mangé du poisson contaminé par des rejets mercuriels d’une usine située à proximité. Cette maladie s’est ensuite propagée à toute la jeune génération par le lait maternel.

Le premier des métaux lourds présents dans les dépouilles de cétacés échoués est le Mercure. La mer Méditerranée, de par son étroite communication avec l’océan et en raison de la proximité des zones industrielles, détient à elle seule 65% des ressources mondiales de mercure. Les thons, très abondants dans ces eaux, se nourrissent principalement de sardines, d’anchois et de maquereaux. On a relevé chez ces derniers une teneur en mercure cinq fois plus élevée que chez leurs congénères d’Atlantique. Les usines du bassin méditerranéen rejettent des produits très dangereux sous forme organique tel l’Ethylmercure mais aussi sous forme de plastique, de peinture, de pâte à papier, de pille et certains fongicides. Les dauphins communs (Delphinus delphis) peuvent absorber le mercure par voies cutanées et digestives. Ces toxiques contaminent en priorité le système nerveux et le cerveau, surtout en période de développement. Ici encore, le risque majeur est encouru par les foetus et met donc en jeu la survie des espèces, se sont les grands mammifères qui ont la plus haute teneur en mercure et polluants en tous genres.

Le Cadmium fait également partie des métaux lourds les plus dangereux. Sa concentration maximale est située dans les baies où se nourrissent et se reproduisent les cétacés. Il provient des pilles, des batteries, de la peinture et des engrais, ses conséquences sur l’organisme sont encore inconnues.

Le Plomb, en revanche, a des effets malheureusement bien connus : il provoque le saturnisme qui se traduit par des troubles des systèmes nerveux, rénaux, cardio-vasculaires et reproductifs dus à la prolifération de globules rouges. Le plomb est présent dans toutes les viscères des animaux contaminés. Sa trop grande utilisation par l’homme dans l’essence automobile et la tuyauterie transforme inéluctablement le milieu marin.

L’iode 131 et le Plutonium se retrouvent dans les algues, or les cétacés s’y déplacent et y jouent la majeure partie de leur vie.

Le Strontium 90 est aussi un des métaux lourds très toxique pour les cétacés, il s’infiltre dans leur squelette et se propage dans toutes les parties de l’animal qui sont formées d’os ou de cartilage. Au début des années 90 on assista à une hécatombe de dauphins blanc et bleu (Stenella coeruleoalba ). Cette catastrophe, due à un taux surélevé d?organochlorés, a entraîné chez ces créatures une défaillance du système immunitaire. Ils ont ainsi manifesté les symptômes du Morbilli Virus, un germe très proche de celui de la maladie carrée chez les chiens.

Les divers rejets :

Les Hydrocarbures sont très présents sur la surface du globe. Principalement remarqués lors des trop nombreux naufrages de pétroliers, ce que l’on nomme des marée noires chroniques se produisent très fréquemment : elles ont lieu à chaque fois qu’un bateau dégaze ou vidange son moteur en mer. Ce geste est pratiqué sans le moindre scrupule ni même la moindre crainte de sanction car les amendes sont d’un coût dérisoire.

À ceci s’ajoute l’action naturelle des fleuves qui drainent les résidus pétrochimiques des villes et des routes. La mer Méditerranée reçoit à elle seule prés d’un million de tonnes d’hydrocarbures sur les quatre millions de tonnes qui sont déversés chaque année sur l’ensemble des mers du globe.

La pollution marine par hydrocarbures est extrêmement dangereuse pour la vie des dauphins communs, des bleu et blanc, des orques (Orcinus orca) ou des cachalots (Physeter macrocephalus). Ces derniers respirent les vapeurs toxiques qui leur cause des troubles respiratoires majeurs. Les mammifères marins à fourrure sont les premiers visés par les marées noires car étant sédentaire ils ne peuvent fuir les nappes de pétrole. En 1989, lors de la marée noire d’Exxon Valdes, 45000 tonnes de pétrole brut se sont déversées sur les côtes de l’Alaska. Six années après cette catastrophe écologique il ne restait plus que vingt deux orques sur les trente six répertoriés auparavant. Suite à ce terrible accident, la convention de Londres a interdit en 1993 le déversement en mer et l’incinération des déchets industriels et radioactifs. L’industrie dite offshore bénéficie d’un traitement de faveur, non seulement les rejets opérationnels des plates-formes pétrolières échappent à toute réglementation mais l’immersion des installations offshores hors d’usage reste autorisée. Il reste donc beaucoup à faire dans ce domaine si l’on tient à assurer le survie des mammifères marins.

L’industrie nucléaire rejette des déchets qu’il est impératif de retraiter. Les usines de retraitement de la Hague en France et de Sellafield en Grande Bretagne sont responsables de 90% des rejets radioactifs mondiaux. Ces derniers sont stockés dans des conteneurs puis ils sont immergés en fosses profondes où ils resteront actifs durant des milliers d’années. Les conditions de sécurité sont inacceptables, les risques trop gros. La mer n’est pas une poubelle.

Les centrales thermiques, nucléaires et autres industries implantées sur le littoral, réchauffent considérablement la température de l’eau et diminuent ainsi le teneur en oxygène. Si cette lente asphyxie continue, les dix prochaines années risquent de voir mourir tout un pan de la biodiversité marine. De plus, certains organismes aquatiques sont particulièrement sensibles aux variations thermiques, une augmentation un peu trop rapide de la température leur est systématiquement fatale.

Les cétacés sont largement affectés par l’amincissement de la couche d’Ozone. Cette diminution est due essentiellement aux C.F.C. (chlorofluorocarbones) que les hommes et leurs industries rejettent dans l’air. En se dégradant, le bouclier stratosphérique de la terre laisse passer davantage de rayons ultraviolets. Les plus dangereux sont les U.V.B pénétrants car ils attaquent le capital génétique des cellules, engendrant de multiples cancers et des malformations chez les foetus. Avec le trou dans la couche d’ozone le plancton végétal, véritable régulateur d’oxygène, souffre et avec lui la totalité de la chaîne alimentaire.

Les différents rejets industriels du littoral attaquent les herbiers du genre posidonies ou zostères et autres algues. Ces herbiers favorisent l’oxygénation du milieu marin et la prolifération de nourriture mais ils sont également un précieux refuge pour toutes les espèces vivantes des mers. Ils sont donc indispensables à la pérennité du milieu marin.
Le tourisme estival a lui aussi son lot de désastres écologiques. Les sachets plastiques que les individus sans scrupule jettent allègrement sur la voie publique, se retrouvent inévitablement dans la mer par l’action des vents et des fleuves. De très nombreux odontocètes et tortues marines confondent ces sacs avec leurs proies favorites les méduses, leur ingestion conduit à chaque fois à une occlusion intestinale mortelle.

Les rejets urbains, déchets ménagers liquides des villes dépourvues de station d’épuration des eaux usées, entraînent la contamination de l’eau et de ses sédiments. Ces rejets forment une fine interface entre l’air et l’eau empêchant ainsi le passage de la lumière et donc toute photosynthèse.

Cette insalubrité altère irrémédiablement le peuplement naturel des mers. Les éléments polluants modifient la qualité physique du milieu récepteur au point d’aboutir à une quasi désertification de certains cites. Le rejet d’eau douce en mer, via les égouts, produit des dessalures et des destratifications de densité.

Les explosions diverses, les essais nucléaires, les ondes à hautes fréquences des sonars et le trafic maritime constituent une véritable pollution acoustique. Pour détecter les sous-marins de plus en plus discrets, la NAVY (Marine Américaine) et la Marine Nationale française ont développé un nouveau sonar actif à basse fréquence (LFAS). Ces bruits incessants entravent l’intercommunication des cétacés et peut-être même leur système d’orientation. Des recherches sur le sujet sont actuellement en cours.

Les courants marins, les marées et les vents permettent aux multiples polluants d’atteindre les endroits les plus reculés du globe. La contamination des cétacés resterait inconnue sans les coûteuses recherches des laboratoires spécialisés. Ces derniers espèrent être bientôt en mesure de pouvoir démontrer les conséquences structurels et physiologiques des substances toxiques sur les cellules vivante.

L’étude toxicologique des cétacés est révélatrice du taux de pollution de notre mer nourricière. La contamination est si élevée chez les ondotocètes et leur taux de reproduction est si faible que même une protection totale des cétacés ne nous permettrait pas d’assurer que les nivaux normaux de population soient un jour rétablis.

Aujourd’hui les bélugas (Delphinapterus leucas) du Saint-Laurent au Canada sont tellement contaminés que lorsqu’ils décèdent les autorités officielles les considèrent comme des « déchets toxiques ». Le principal ennemi des cétacés serait donc l’homme mais le plus navrant est qu’il faut bien admettre que l’homme est, de par son inconscience et sa soif de profits, le plus redoutable ennemi de l’espèce humaine.

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Sous-Groupe Cétacés Montpellier/France, 2002.

Stéphanie Raynaud et Julien Marchal

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