Paul Spong était zoopsychiatre. Il a exercé tout au début à l’aquarium de Vancouver, au Canada, pour s’occuper d’une orque femelle : Skana. Il s’est intéressé à son comportement et, année après année, Skana montrait une intelligence et une sociabilité extraordinaires. C’est alors que Paul Spong se mit à plaider pour la libération de Skana. Tous ses collègues conclurent qu’il était devenu fou et il fut licencié. Skana mourut à l’âge de 15 ans, quelques années plus tard.

Au début des années 70, Paul Spong découvre la magnifique région sauvage au nord de Vancouver et une île située entre le continent canadien et l’île de Vancouver : « Hanson Island ». En 1972, il décide de s’y installer avec sa famille et de créer un centre de recherche s pour les l’observation des orques. Son observatoire, ORCALAB, est situé dans l’un des sites les plus fréquentés par les orques « résidents», c’est à dire les orques « locales », présents toute l’année dans la communauté nord de Vancouver. Dans son laboratoire, un amplificateur relié à des hydrophones répartis autour de son île et d’autres îles voisines (au total, 5 hydrophones). Des haut-parleurs sont installés dans sa maison et dans tous les camps pour lui signaler toute présence d’orques. Sa femme et lui déterminent tous les « pods »(ou « groupes ») en identifiant les individus par photo-identification grâce à leur dorsale ou par les « calls », c?est à dire les chants. Paul Spong a vécu des expériences magiques et, avant de vivre avec les orques, il était avec l’organisation Greenpeace pour sauver les baleines des gigantesques bâtiments russes, japonais, islandais ou danois. Il n’hésitait pas, avec l’équipe, à se placer entre harpon et la baleine ! Les photographies, dans un livre de Paul Spong pour Greenpeace sont très marquantes.
D’après Rex Weyler « la grande idée de Paul Spong fut toujours qu’on ne devait pas défendre les baleines parce qu’elles étaient en voie de disparition, mais en raison de leur nature profonde, prodigieusement intéressante.
Donc, depuis 1972, Paul Spong et sa famille sont installés sur cette île à l’autre bout du monde et près d’une île, plus au nord, où vivent les « Ninpkish », indiens pêcheurs de la côte ouest qui vénèrent les orques. D’ailleurs, Paul est sans doute l’une des rares personnes blanches qui adhère aux anciennes croyances indiennes.
Devenu éthologue, Paul Spong demande à des volontaires de venir l’aider pendant la saison d’été car il y a une grande concentration d’orques à cette saison. Notre travail consiste, à tour de rôle, par groupes de 2 ou 4 dans le laboratoire, à écouter «casque sur les oreilles » les « calls » des orques et à les enregistrer. Une ou deux personnes sont à l’extérieur pour observer la présence d’orques. Nous venons tous d’horizons lointains : Mexique, Japon, Europe, U.S.A, Australie et Canada dans un seul but, observer et étudier les orques en liberté.
Par ailleurs, Paul Spong tente depuis 1980 de faire libérer CORKY, orque femelle capturée le 10 décembre 1969 tout près de « son » île. Depuis 28 ans, CORKY est prisonnière au Sea World à San Diego (Californie). Malgré ses sept petits tous décédés, elle se porte bien. Un jour, l’organisation Ben White, anti-captivité, à interrompu le spectacle de CORKY pour lui faire entendre les chants des membres de sa famille. Car sa famille croise toujours au large de « Hanson Island » !
CORKY reconnaissait manifestement les voix de sa famille et elle s’est mise à trembler à la surface du bassin et à claquer des mâchoires. Nous, tous les volontaires, devant le reportage enregistré par Paul Spong, on avait le désir de pleurer. C’est terrible de voir CORKY dans un bassin ridicule reconnaître sa famille si longtemps après. Hélas, CORKY est toujours prisonnière au Sea World mais Paul Spong ne désespère pas. Il manifeste dans le monde entier pour sensibiliser l’opinion publique. Un immense drapeau HANSON ISLAND FOR CORKY et des centaines de dessins FREE CORKY écris sur des carrés de tissu sont déployés dans le monde entier.
Nous espérons toute la libération de CORKY enfermée derrière les «barreaux » du bassin depuis 1969.
BIBLIOGRAPHIE :
- Van Eersel P. (1993), Le cinquième rêve. Grasset, 447 p.
- Sifaoui B. (1996), Le livre des baleines et dauphins. Albin Michel, 239 p.
Belgique, octobre 1997
La Baleine Libre, Le Grand Souffle, volume 1, n°3
par Julien Marchal