Le fleuve du Saint – Laurent et l’embouchure du Saguenay sont un lieu favorable à la rencontre des baleines. Depuis des années elles choisissent de venir s’alimenter et s’engraisser avant de repartir migrer en hiver. L’océanographie du fleuve permet une concentration importante de plancton, se heurtant sur un talus à l’embouchure de la rivière du Saguenay, en face de Tadoussac. Le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, a été créé en 1998, englobant Grandes-Bergeronnes, Tadoussac et Les Escoumins.

Ici, l’eau est presque aussi salée que dans l’océan et des tonnes d’éléments nutritifs se déposent sur le fond. Remontée à la surface par un courant influencée par les marées, le plancton prolifère et entame se chaîne alimentaire. Des poissons pélagiques s’en nourrissent et sont ensuite mangés par les baleines.
Une vingtaine d’espèces côtoient le Saint-Laurent. Plus fréquemment le rorqual commun (Balaenoptera physalus), le petit rorqual (Balaenoptera acutorostrata) et les bélugas (Delphinapterus leucas) sont observés à chaques sortie. Il est courant de voir le premier ou le second s’alimenter en surface, devant des touristes armés de leurs caméras.
La région vit essentiellement du touriste. L’observation en mer a rapporté en 1995 51’000’000 Ca$ pour 3000000 visiteurs. Le double a été enregistré en l’an 2000 et la courbe ne cesse d’être exponentielle.
Au mois d’octobre 2000, le parc marin et toutes les personnes concernés aux AOM (Activités d’Observation en Mer), ainsi que les organismes de recherche, ont déposé des propositions réglementaires au gouvernement. L’une d’entre elles concerne le béluga : on va obliger les embarcations à se tenir à 400 mètres de distance. De plus un permis obligatoire va être attribué à 54 bateaux du parc marin. Une amande pouvant aller jusqu’à 100’000 Ca$, pourra sanctionner toute infraction à la Loi sur le parc marin du Saguenay – Saint – Laurent.
Nous savons depuis longtemps que les bélugas accumulent des contaminants toxiques dans leurs tissus. Situés au denier niveau de la chaîne alimentaire, ils ingèrent des poissons et invertébrés fortement contaminés.

En examinant les tissus d’animaux morts, on y trouve une concentration élevée de plomb dans les muscles et le foie, des DDT, PCB et organochlorés, un taux de mercure élevé, tumeurs et cancers. Les résultats ont montré que les bélugas sont de 100 à 1’000 fois plus contaminés que leurs voisins de l’Arctique !
Après allaitement, les veaux sont contaminés par leurs mères et le cycle reprend. De même, certains contaminants ont un effet immunodépresseur. Cependant, les scientifiques restent prudents quant aux effets de ces polluants. Les prélèvements sanguins restent impossibles sur des animaux vivants, à moins qu’un béluga soit pris vivant dans un filet par accident. Dans ce cas, on effectuerait une analyse sanguine sur les veines apparentes de la caudale. Il a été possible dans l’Arctique de capturer des bélugas à l’aide de filets, de prélever des cellules et de les tester face à des contaminants semblables à ceux du Saint – Laurent. Les fumées polluantes, insecticides utilisés en agriculture, résidus pétroliers, hydrocarbures, pentures à base d’étain et, dans un autre contexte, la pêche sportive, interfèrent sur les mammifères marins.
Des efforts ont été apportés par les industries mais ce sont toujours les grandes usines situées au bord des grands lacs américains qui polluent.
Le dénombrement des bélugas a été controversé car la méthode aérienne ne prenait pas en compte les espèces sous la surface.
Maintenant, avec la méthode du transect linéaire + un facteur de 15%, les estimations vont être rétablies. Mais il va falloir beaucoup d’années pour confirmer le nombre et donner une estimation exacte ! Actuellement, entre 800 et 1’200 bélugas fréquentent le Saint – Laurent. Environ 250 individus sont photo – identifiés par le GREMM.
Un travail identique de photo – identification est effectué chez le rorqual commun, le petit rorqual, la baleine bleue (Balaenoptera musculus), le cachalot (Physeter macrocephalus) et la baleine à bosse (Megaptera novaeangliae).

Entre 1986 et 1996, environ 200 rorquals communs ont été photographiés et l’étude se poursuit jusqu’à cette année. Il faut savoir que 4 parties distinctes sont retenues pour les identifier : le chevron, le flanc, la dorsale et le pédoncule caudal. La coloration du pédoncule est plus importante du côté du côté droit de la tête, identique au mandibule blanc droit. Au début des années 80, seulement le flanc droit était photographié chez le rorqual commun, du fait de sa pigmentation évidente, mais l’équipe du GREMM a décidé ensuite de prendre les deux côtés. Depuis, les photographient prouvent que les deux flancs peuvent apporter de précieux renseignements.
La même équipe, celle du Parc marin du Saguenay – Saint – Laurent et l’Institut Maurice Lamentagne ont suivi, pendant l’été, 25 rorquals communs grâce une balise émettrice fixée sur leur dos. Ils ont constaté que leurs activités sont différentes entre le jour et la nuit. Le jour, les baleines s’engagent à des plongées profondes en U, à la tête du chenal Laurentien. Chaque fois précédée de courtes plongées, dont en forme de V. Pendant la nuit, ils s’alimentent en surface, ce qui est normal du fait de la remontée du krill, pour s’alimenter. Cette étude est une première mondiale, lorsqu’on sait que les baleines aiment passer plus de 90% de leur temps sous l’eau.
D’autre part, l’équipe a constaté que le trafic maritime avait une influence sur leur activité alimentaire. Les baleines rencontrent une pollution sonore et passent donc moins de temps en profondeur pour cibler leurs proies.
Le fleuve du Saint – Laurent est un lieu unique d’observation et d’étude. Nous pouvons apprendre beaucoup de la recherche, des lois et préventions de ce pays pour protéger les cétacés.
Même si nous sommes réticents au développement d’excursions purement touristiques pour l’observation des baleines en Méditerranée (et particulièrement dans le sanctuaire), nous pouvons conjuguer nos travaux. Le problème des pollutions industrielles et sonores et certaines espèces de cétacés que nous rencontrons sont identiques.

Le fleuve du Saint – Laurent est un lieu unique d’observation et d’étude. Nous pouvons apprendre beaucoup de la recherche, des lois et préventions de ce pays pour protéger les cétacés.
Même si nous sommes réticents au développement d’excursions purement touristiques pour l’observation des baleines en Méditerranée (et particulièrement dans le sanctuaire), nous pouvons conjuguer nos travaux. Le problème des pollutions industrielles et sonores et certaines espèces de cétacés que nous rencontrons sont identiques.
Sources et bibliographie conseillée :
(1) Atelier de Travail Régional sur les Activités d’Observation de Mammifères Marins, Résumés des Projets de Recherche Scientifiques, Parc Marin du Saguenay – Saint – Laurent, mai 1998.
(2) Les Baleines du Saint – Laurent, La Recherche et l’Education : un passeport pour le XXIème siècle, GREMM, 1998.
(3) Bulletin de liaison « Le Souffleur », depuis 1989, GREMM.
(4) Simard Yvan, Comment la mer nourrit-elle les baleines à Tadoussac ou Le pourquoi océanographique de la visite estivale des rorquals dans l’estuaire maritime du Saint – Laurent, à la tête du Chenal Laurentien (Tadoussac, Les Escoumins, Grandes – Bergeronnes), L’Euskarien, Les Sciences de la Mer, p.33 à 38, été 1994.
(5) Rossignol Anne, L’estuaire maritime et le golfe du Saint – Laurent, Camet Océanographique, INRS – Océanologie, 1998.
(6) Michaud Robert, Rencontre avec les Baleines du Saint – Laurent, GREMM, 1993.
(7) Fontaine Pierre – Henry, Les Baleines de l’Atlantique Nord, Biologie et Ecologie, Editions Multimondes, 1998.
(8) Robert M., Vézina A., Rondeau N. et Vigneault Y., Distribution annuelle et caractérisation préliminaire des habitats du béluga (Delphinapterus leucas) du Saint – Laurent, Pêches et Océans Canada, Rapport technique canadien des sciences halieutiques et aquatiques, No 1756, septembre 1990.
(9) Pippard L., Status of the St. Lawrence River Population of Beluga (Delphinapterus leucas), Canadien Field – Naturalist 99 (3) : 438 – 450, 1985.
(10) Lesage Véronique and C.S. Kingsley Michael, Updated Status of the St Lawrence River Population of the Beluga (Delphinapterus leucas), Department of Fisheries and Oceans, Maurice Lamontagne Institute, 1998.
(11) Règlements sur les activités en mer dans le parc marin du Saguenay – Saint – Laurent, Fondement législatif, Loi sur le parc marin du Saguenay – Saint – Laurent, Ministère du Patrimoine canadien, Canada Gazette Part 1, 28 octobre 2000.
(12) Saucier François et Cabana Anne Marie, Les eaux du Saint – Laurent – Guide d’interprétation scientifique du Parc Marin du Saguenay – Saint – Laurent, Division des Sciences Océaniques, IML, Pêches et Océans Canada, octobre 2000.
L’Écho des Baleines – Bulletin Suisse du naturaliste Cétologue – Swiss Cetacean Society – N°10, hiver 2000 – 2001
Tadoussac, Québec / Canada, octobre 2000
par Julien Marchal