Article de deux pages dans
Planète Mer-S.O.S Grand Bleu n°25 (janvier-mars
2000, France): "Séjour à l'Ile Maurice"
Mon séjour aux îles
Maurice et Rodrigues a duré deux mois et quelques
jours. A mon retour en France, j'ai voulu faire partager
aux adhérents de S.O.S Grand Bleu mon expérience
et mon aventure avec les mammifères marins.

Introduction
L'équipe s'est installée
dans une maison au bord de la mer, à « La
Preneuse », petit quartier du village de « Rivière
Noire » dans le sud-ouest de l'île Maurice.
J'accompagnais une scientifique et futur cétologue.
Histoire :
L'île Maurice fût
découverte par les Portugais vers 1510. Tristan
da Cunha la baptisa « Cirne », l'île
du Cygne, du nom d'un des bateaux de sa flotte ou de l'étrange
oiseau qu'il voyait : le « dodo »,
devenu l'emblème national. Elle fût occupée
en 1598 par les Hollandais qui l'appelèrent « Maurice »,
du prénom de leur prince. Dès 1715 les
Français prirent possession de l'île et Mahé
de Labourdonnais fît de Port-Louis un comptoir des
Indes. Mais après de nombreuses batailles navales
avec l'Angleterre, la France céda son île
et la couronne lui redonna le nom de « Mauritius ».
L'île Maurice acquis son indépendance en
1968 et devint une république le 12 mars 1992.
Sa constitution est basée sur le modèle
de « Westminster » (un premier ministre
et son cabinet exercent le pouvoir exécutif ) et
le code Napoléon est toujours en vigueur.
Géographie :
L'île Maurice est
petite : 1865 km2 (65 kilomètres de long sur
45 kilomètres de large) et 160 kilomètres
de côtes. Elle est située en océan
indien, dans l'hémisphère Sud, et appartient
à l'archipel des Mascareignes (avec la Réunion
et Rodrigues). Madagascar, situé à
l'ouest, est à 855 kilomètres de l'île.
Le plus haut sommet est le « Piton »
de la Rivière Noire culminant à 827 mètres.
Projet de Mlle Delphine
Legay :
J'avais décidé
de rencontrer Mlle Legay à Maurice depuis ses débuts
dans la cétologie. Depuis juin de cette année,
elle projète une étude intitulée
« Projet Céta-Squale : agir pour la
sauvegarde de nos océans ». Autrement
dit sur les « Baleines, dauphins et requins
du sanctuaire sud-ouest de l'océan ; pour
un observatoire régional des mammifères
marins ».
Lauréat de la fondation
«Marcel-Bleustein Blanchet pour la vocation »
en 1997, Delphine était étudiante
à l'Université La Sorbonne à Paris
et préparait un doctorat sur la biologie du comportement
des cétacés.
De mère mauricienne,
elle a décidé de s'installer près
des dauphins et des baleines de l'océan indien,
peu connus dans le monde, malgré un sanctuaire
baleinier. Avec son association « Céta-Squale »
dont elle est la directrice, elle a six objectifs principaux
sur l'île :
-
Développer l'activité de recherche en biologie
marine en étudiant les grands prédateurs
de l'écosystèmes marins tels que les baleines,
les dauphins et les requins autour des îles Maurice,
Rodrigues, Rodrigues, Saint-Brandon, La Réunion,
Madagascar, Mayotte, Comores et Seychelles.
-
Sensibiliser les communautés locales à la
nécessité de protéger la vie marine
en les formant, en les impliquant dans la recherche, et
en parlant aux enfants.
-
Former les étudiants à la recherche sur
les mammifères marins et les requins de telle sorte
que le projet puisse devenir une étude à
long terme et durer des nomdreuses années avec
une vie locale.
- Protéger
la biodiversité marine en proposant des textes
sur la manière d'agir pour le respect des animaux
de l'océan.

-
Valoriser le tourisme dans la région en développant
des activités d'écotourisme baleinier contrôlées
scientifiquement.
-
L'objectif à long terme est d'assurer la conservation
et la valorisation écotouristiques des cétacés
en créant un observatoire des mammifères
marins dans chacun des îles.
Son projet est planifié
sur deux ans et demi : de juillet 1999 à octobre
2001. La photo-identification a commencé sur les
« dauphins à long bec » (Stenella
longirostris), très nombreux à Maurice,
et les « grands dauphins » (Tursiops
truncatus). La baleine à bosse (Megaptera novaeangliae)
migrent le long de l'île durant l'hiver austral
de juin à octobre, son étude va commencer
l?année prochaine, elle sera accompagnée
des prélèvements de peau et de lard (biopsies).
L'océan indien comprend
environ vingt espèces de cétacés,
mais rien n'est prouvé. L'acoustique, études
écotoxilogiques, enregistrements acoustiques et
pose de balises seront à l'étude. Mlle Legay
voudrait connaître les interactions entre cétacés
et requins, afin d'examiner les morsures infligées
aux dauphins.
Expériences et nages :
- Cachalots (Physeter
macrocephalus) :
Comme à notre habitude,
nous nous sommes levés à six heures du matin
pour profiter de la mer calme et de peu de vent. Les clubs
de pêches situés au village, avaient indiqué
la présence de cachalots depuis des années
au large de l'île. Avec notre Zodiac de 4,50 mètres
et un moteur de 25 chevaux, nous sommes allés direction
le large. La mer était une mer d'huile. Nous
avions pris le risque de partir malgré notre petite
embarcation. A 4 miles (1 mile = 1853 mètres) environ,
nous avons rencontré un groupe d'une trentaine
de « longs becs » (Stenella
longirostris). En souriant, Delphine nous dit qu'ils nous
amèneront peut-être aux cachalots.
Surprise, quelques
minutes après, à 6 miles, nous apercevons
huit cachalots en formation serrée, allant vers
le sud et se trouvent en face du bateau. Delphine décida
de nager en apnée pour pouvoir les filmer sous
l'eau. Je décidai de l'accompagner. Dès
mes premiers mouvements de palmes, mon coeur battait la
chamade, je ne respirai plus. Les cachalots avançaient
lentement, se séparant, se regroupant, et semblant
prendre plaisir. Un seul décida de faire un « spy-hopping »
(sortir la tête de l'eau à la verticale),
plusieurs fois il observa notre embarcation. Moteur coupé,
seul la pagaie étant utilisée. Delphine
se retrouvant en face de lui, il se redressa. Elle avait
les larmes aux yeux. A quelques mètres de
nous, les cachalots se caressaient, se glissant l'un sous
l'autre pendant quelques secondes ; magie de la nature.
Sans se soucier de notre présence, tranquilles,
ils s'amusaient. Les « clics » s'entendaient
nettement sous l'eau. Nous avons alors essayé de
les rattraper, mais après un coup de caudale,
nous avons du mal à les suivre. Je ne pensais plus,
je regardais et mon âme pleurait de bonheur, puis
lentement, les huit cachalots sondèrent dans le
bleu profond de la mer.
Ils ressortirent
plus au sud, la mer étant toujours aussi calme.
Nous voulions voir si le groupe comprenait des femelles,
des mâles ou les deux. En face de nous, les cachalots
devièrent leur route, sans s'énerver, comparé
aux petits êtres que nous sommes. Delphine et moi
constatèrent alors que quatre femelles venaient
de sonder et montrer leurs ventres, alignées et
disparaissant dans les profondeurs. Mon dieu, quelle image !
La reconnaissance d'un groupe comprenant des femelles
s'expliquait par le comportement d'un mâle se glissant
sous une femelle - ou était ce un jeu ?
Mystère. Sous nos pied, presque 1450 mètres
de profondeurs, de quoi avoir le vertige.
- Dauphin à
long bec (Stenella longirostris) :
Delphine Legay savait que notre maison n'était
pas très éloignée loin d'une baie
à dauphins, la « Baie de Tamarin ».
La particularité de la baie permettait aux dauphins
de trouver une mer calme, une eau peu profonde et aucun
lagon, les vagues s'échouant directement sur la
plage. Depuis très longtemps, les pêcheurs
voyaient des dauphins et des requins. Notre étude,
dès le début, nous avait permis de permet
de constater qu'un groupe revient souvent, grâce
la reconnaissance d'un dauphin, dont sa dorsale est coupée
en deux. Nous décidâmes de le nommer « Captain
Crochet ». Un groupe de plus de cent individus
avait déjà rencontré notre embarcation
dans la baie même. Le grand dauphin (Tursiops
truncatus) a été vu avec l'espèce
commune de Maurice. De même, au large, nous avons
vu le dauphin tacheté pantropical (Stenella
attenuata) nager avec le long bec.
Après une série
de photos d'un groupe de la baie, nous avons décidé
de se mettre à l'eau à notre façon.
Nous nous sommes mis à la surface de l'eau en tenant
fermement une corde attachée au devant du Zodiac.
Les dauphins furent surpris au début mais doucement
ils se sont approchés. La vitesse étant
réduite, les dauphins sont venus à l'étrave
à quelques mètres de mon visage. Je me souviens
que deux dauphins sont arrivés par la droite à
un mètre de moi, provoquant une grande peur. Leurs
sifflements étaient très nets. Un groupe
entier, à quelques mètres sous la surface,
suivait le bateau et son étrange monture. Quatre
heures d'affilées nous ont permis de faire les
meilleurs clichés et de profiter de leurs jeux.
Avant de repartir pour
la France, je me suis glissé dans l'eau et resté
à distant du bateau. Les dauphins se trouvaient
tout autour de moi mais j'avais du mal à les apercevoir.
Quand tout à coup, un groupe s'est glissé
en dessous de moi, et me suivait pendant presque quinze
seconde. Moment court mais précieux. Sous mon pied,
une quinzaine de mètre à peine.
Conclusion :
Avec du recul, les
moments passé à côté
des cachalots ou des dauphins sont restés
très forts. Le premier regard de cette
masse devant les yeux sera à jamais gravé
dans ma mémoire. Hélas, nous avons
jamais pu les revoir. Mais ce n'était pas
un rêve. Les dauphins nous l'ont montrés. |
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Je veux dédier mon séjour
aux Mauriciens, pour leur gentillesse et le respect,
leur île magnifique, à Delphine pour m'avoir
partager ses moments uniques, aux cétacés,
à l'élément liquide, bref, à
la nature par excellence.
Julien Marchal - France - décembre
1999.
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