Article de deux pages dans Planète
Mer n°29 - S.O.S Grand Bleu - janvier - février
- mars 2001.
par Julien Marchal (septembre - octobre 2000)

J'ai effectué un
voyage au Québec, le long du fleuve Saint - Laurent,
pour étudier l'acoustique des bélugas (Delphinapterus
leucas), photographier les baleines et les comprendre,
aider et connaître le Groupe de Recherche et d?Etude
des Mammifères Marins (GREMM) à Tadoussac.
Depuis des observations en mer ou sur le littoral, nous
sommes étonnés de voir autant de baleines
à Tadoussac, les Escouminns ou Grandes - Bergeronnes.
Certaines peuvent même être vues en alimentation
de surface, un moment magique.
Tout
ceci est dû à une océanographie
et à des courants ou marrées et
vents, favorisant une production biologique régionale
exceptionnelle. Un lieu unique situé dans
un parc marin créé en 1998 et qui
répond à une demande touristique
d'observation des baleines (whale - watching)
sans cesse croissante. |
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Les trois courants
et la marée :
Le fleuve Saint - Laurent est long de mille
six cents kilomètres et démarre
dans les grands lacs américains pour
se jeter dans l'Atlantique :
On retrouve dans
le fleuve trois strates d'eau :
·
la couche de surface
·
la couche intermédiaire froide
·
la couche profonde
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L'eau salée de l'Atlantique
nord remonte grâce au courant Laurentien en profondeur,
et l'eau douce de surface redescend dans le golfe et l'océan.
Ces deux couches vont s'opposer.
Les marées crées,
par l'attraction de la lune et du soleil sur l'océan,
jouent un rôle déterminant dans l'apport
d'eau de mer salée et froide riche en éléments
nutritifs. Plus le lieu est étroit, plus l'onde
de la marée en entrant va être haut et important.
Elle peut varier de trois à huit mètres.
A Tadoussac, le fjord du
Saguenay apporte son douce dans l'estuaire maritime du
Saint - Laurent. Tous ces facteurs, accompagnés
de vent, jouent un rôle essentiel dans l'alimentation
des baleines.
Le plancton :
Afin
de comprendre l'alimentation des baleines, on doit savoir
ce qui les intéresse.
Le plancton, base de toute
chaîne alimentaire marine, est fondamentale à
la chaîne trophique.
Elle est composée
de nombreux organismes planctoniques dont le phytoplancton
et le zooplancton. Leur durée de vie est de deux
ans environ.
Le premier est constituée
d'algues planctoniques qui vont servir de nourriture aux
zooplanctons herbivores puis carnivores. Celui- ci à
besoin d'énergie solaire pour la photosynthèse
et d'azote se trouvant dans l'ammonium et le nitrate.
Le krill ou euphausides,
est un zooplancton qui comme tous les autres n'aime pas
la lumière. Le jour, il va rester en profondeur
pour se cacher des prédateurs et la nuit remonter
en surface pour se nourrir du phytoplancton. Arrivé
à l'âge adulte, déplacer verticalement
et éviter d'être trop en profondeur ni près
de la surface. Les larves, quant à elles, vont
se laisser entraîner par le courant.
Les baleines à fanons
se nourrissent principalement de krill. Un rorqual bleu
(Balaenoptera musculus), qui peut atteindre jusqu'à
trente mètres de long pour cent tonnes, se remplie
de nourriture avant l'hiver et mange de trois à
quatre tonnes de krill par jour.
Le talus et le piège
à plancton :
Le chenal Laurentien est
profond de trois cents à cinq cents mètres.
A son bout, on trouve une concentration importante de
planctons qui se heurte à des talus et qui remonte
vers la surface. Une masse pouvant atteindre plusieurs
kilomètres de long et cent mètres d'épaisseur.
Le talus a une topographie
abrupte, près de l'île rouge et le fjord
du Saguenay, en face de Tadoussac.
Dans cette abondance d'euphausides,
des femelles vont pondre et des adultes vont arriver au
bout de leur parcours. S'installe alors un aller - retour
incessant entre la couche de surface qui pousse les larves
de krill vers le Golfe et la couche intermédiaire
qui les font revenir.
Des débris organiques
vont se poser sur le fond continuellement, mais les courants
de profondeurs vont les remonter (upwelling), accompagnés
de la marée haute, et se mélanger avec les
eaux douces. Voilà cette couleur saumâtre
que l'on retrouve riche en éléments nutritifs.
C'est un apport de nourriture
nécessaire au krill, mais piégé face
à un cul - de - sac, il va être poussé
vers la surface.
De plus, il va se produire
comme un effet de pompe relançant le mélange
vers le Golfe.
Le festin à
baleines :
Les baleines choisissent
de venir à Tadoussac à cause de cette concentration
de nourriture.
Certaines se nourrissent
de capelans, lançons ou harengs et de copépodes,
dépendant des marées et des eaux froides.
Tous ces poissons pélagiques vont manger dans le
même lieu.
Les baleines se trouvent
souvent à la tête du chenal Laurentien, le
long d'une profondeur d'eau de cent mètres.
Les baleines d'excursions
connaissent l'endroit où l'on peut trouver jusqu'à
cinquante bateaux dans le même secteur !
Elles s'engraissent dans
un cul - de - sac à plancton, apportant une masse
volumique ciblée, sans être obligée
de faire des efforts et de dépenser trop d'énergie.
Nous avons observé qu'elles restent plus longtemps
en surface la nuit pour filtrer le krill remontant des
profondeurs. Mais des questions se posent encore sur l'alimentation
des baleines car elles passent quatre vingt dix pour cent
de leur temps sous l'eau.
Mis
à part le béluga (Delphinapterus
leucas), qui reste toute l'année dans le
Saint - Laurent, le rorqual commun (Balaenoptera
physalus), le rorqual bleu (Balaenoptera musculus),
et le petit rorqual (Balaenoptera acutorostrata)
sont des espèces habituelles du lieu et
s'alimentent avant de migrer en hiver. |
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Les espèces comme
le rorqual à bosse (Megaptera novaeangliae) et
le cachalot (Physeter macrocephalus) sont vues quelques
fois. Toutes les autres sont exeptionnelles dans la région
de Tadoussac, les Escoumins ou Grandes Bergeronnes, sauf
dans le golfe du Saint - Laurent.
Les baleines reviennes
dans le même lieu depuis des années, connaissant
très bien le relief topographique et localisant
la masse planctonique. Elles suivent les marées,
la température et la salinité et communiquent
entre elles.
Tous ces phénomènes
géographiques interviennent sur la fréquence
des baleines dans ce même lieu d'une année
sur l'autre. Les personnes responsables qui étudient
les baleines et son océanographie font leur possible
pour les protéger, en surveillant le réchauffement
de la planète, le traffic maritime ou la pollution.
Cette région est
un haut lieu de rassemblement des baleines. Goûtons
le plaisir de les voir tant qu'il est encore temps.
BIBLIOGRAPHIE:
(1) Atelier de travail
régional sur les activités d'observation
en mer des mammifères marins, résumés
des projets de recherche scientifiques, Parc Marin du
Saguenay - Saint - Laurent, mai 1998.
(2) Les baleines du Saint
- Laurent, la recherche et l'éducation: un passeport
pour le XXIe siècle, G.R.E.M.M, 1998.
(3) Bulletin de liaison
"Le Souffleur" depuis 1989, G.R.E.M.M.
(4) Marchand Caroline,
Simard Yvan et Gratton Yves, Concentration of capelin
(Mallotus villosus) in tidal upwelling, fronts at the
head of the Laurentian Channel in the St.Lawrence estuary,
NRC/CNRC, vol.56, number 10, 1999.
(5) Simard Yvan et Lavoie
Diane, The rich krill aggregation of the Saguenay - ST.Lawrence
Marine Park: hydroacoustic and geostatiscal biomass estimates,
structure, variability, and significance for whales, NRC/CNRC,
vol.56, number 7, 1999.
(6) Simard Yvan, Comment
la mer nourrit-elle les baleines à Tadoussac ou
Le pourquoi océanographique de la visite estivale
des rorquals dans l'estuaire maritime du St.Laurent, à
la tête du chenal Laurentien (Tadoussac, Les Escoumins,
Grandes - Bergeronnes), l'Euskarien, Les Sciences de la
Mer, p 33 à 38, été 1994.
(7) Rossignol Anne, L'Estuaire
maritime et le golfe du Saint - Laurent, Carnet océanographique,
INRS / Océanologie, 1998.
(8) Michaud Robert, Rencontre
des baleines du Saint - Laurent, G.R.E.M.M, 1993.
(9) Sites web du G.R.E.M.M:
http//www.gremm.org et www.baleinesendirect.net or www.whles-online.net