Bonjour
les internautes,
L’Atlantique nord détient
environ entre 15 000 et 16 000 baleines à bosses
(Megaptera Novenglae) et sa population augmente progressivement.
Avant la chasse nous avions environ 150000 individus,
donc seulement 10% de sa population originale.
Le « Sanctuaire des Mammifères Marins de
Samaná
» est la zone la plus importante concernant la reproduction
et la naissance des baleines à bosses de l’Atlantique
Nord.
Depuis l’année dernière la population est
comme protégée et non plus au stade d’extinction.
Cela n’empêche en rien que quelques pays continuent
de les chasser.
Environ 6000 individus ont été répertoriés
avec un nom, une photo et un numéro et ce, depuis
40 ans. La méthode d’identification porte sur les
caudales (la queue) de ses baleines lorsqu’elles plongent.
Chacune d’entre elles ont des marques ou des taches différentes
et montre de vraies empruntes digitales. Le but des chercheurs
est de créer un arbre généalogique
pour chaque baleine. J’ai su que cette population avait
les pectorales (nageoires) blanches des deux cotés,
à la différence de celle située en
Pacifique sud. C’est vrai que ma nage en Polynésie
française (Rangiroa, été 2009) avec
l’une d’entre elle m’a rappelé ce détail.
La plus célèbre dans les eaux républicaines
est la femelle SALT, qui a été photographié
pour la première fois en 1975. On la retrouve souvent
pendant la saison d’hiver dans le sanctuaire de Samanà
ou elle vient se reproduire ainsi que dans le golfe de
Maine aux Etats-Unis (cote-est de Boston) pour s’alimenter
l’été. Elle a donné naissance à
10 petits au rythme d’un tous les 2 à 3 ans.
Ce cycle de mise à
bas est habituel si la femelle est en bonne santé
et résistante.
On nous demande souvent pourquoi les baleines ne s’alimentent
pas dans les eaux chaudes, par exemple ici dans les caraïbes
? D’après les réponses apportées
par de nombreux scientifiques, l’abondance des poissons
et leurs diversités est présente, mais le
volume n’est pas assez concentré dans un lieu précis.
Au nord, les eaux froides favorisent des zones propices
à ce volume et les baleines les connaissent parfaitement.
La densité est plus importante dans le nord mais
pas assez dans les eaux chaudes. C’est la même chose
dans l’hémisphère sud. Ce qui explique que
les baleines ont besoin de faire des migrations de plusieurs
milliers de kilomètres. On a pu observer une baleine
à bosse de Samaná
jusqu’en Norvège, ce qui implique une nage de 7000
km ! Donc les baleines ne s’alimentent pas dans les eaux
de Samaná
mais se reproduisent, se rencontrent et donnent naissances
ici.
Cette année a été riche en naissance.
Pas moins de 17 nouveaux - nés confirmés
grâce aux photos prisent par les chercheurs embarqués
sur les bateaux. L’année dernière on a dénombré
environ 3 uniquement ! Pourquoi de telles naissances cette
année ? Personne ne le sait vraiment.
Autre fait caractéristique, la femelle alimente
son petit tous les jours, et celui-ci ingurgite 200 litres
de lait journalier et grossit de 50 kg par jour. Sa mère
perd environ 25% de son poids, c'est-à-dire 10
tonnes environ (sachant que celle-ci peut faire 40 tonnes).
Les deux vont rester ensemble un an, le temps de lui montrer
le trajet aller-retour entre Samaná
et le nord.
Par contre, moins de duels de mâles pour la conquête
de la femelle, la biologiste Kim Beddall a déjà
vu 20 mâles autour d’une femelle. Cette année
2 à 3 males autour d’une femelle et assez calmes.
Est-ce que cette une année basse pour la reproduction,
et pourquoi ?
Il est intéressant de voir que la mère montre
rarement sa caudale avant de plonger en présence
de son petit. Celui-ci ne peut pas rester longtemps sous
l’eau (en moyenne 3-4 minutes à un âge de
4 semaines environ) et la mère ne plonge pas profondément.
C’est la raison pour laquelle il a été difficile
de photographier sa caudale mais uniquement sa dorsale
de chaque coté et le même procédé
pour le nouveau né. Quelque fois, un mâle
accompagne les deux et joue un rôle d’accompagnateur
ou de protection.
Une fois on a observé un comportement agressif
envers la mère. Pourtant ce mâle n’est pas
le père du petit et l’on ne connait pas exactement
son rôle ?
Concernant les groupes de baleines à bosses, on
distingue plusieurs groupes solitaires. Rarement de grands
groupes comme je peux voir au Canada ou ailleurs. On y
distingue
surtout des paires isolés, comme une femelle et
un male, 2 mâles ou une mère et son petit,
ou 3 baleines comme la mère, son petit et le mâle
escorte. Par contre jamais de paire de femelles ! Tout
a été prouvé par la biopsie et l’identification
des caudales. Ces paires peuvent être distantes
dans toute la baie de Samaná
et l’on peut naviguer longtemps entre 2 observations.
Toutes les baleines à
bosses sautent en dehors de l’eau. Le mâle, la femelle,
la mère ou le petit. J’ai pu photographier une
baleine adulte et un baleineau le faire. Une journée
un petit l’a fait pendant 20 minutes sans s’arrêter,
mon plus beau souvenir de photographe et de guide. Les
sauts varient entre un tour complet du corps à
360°, le corps en dehors à l’horizontale, un
demi-tour à 180°, ou sortir uniquement la tête
de la surface.
Ces sauts s’accompagnent de pectorales ou de caudales
tapant la surface. Ce sont des habitudes communes pour
cette espèce de baleines à fanon. La plus
belle aussi ! Un corps de 40 tonnes gisant hors de l’eau
ne laisse personne indifférent. Je retiens le bruit
et la marque en surface lorsque le corps retombe. Indescriptible
! Je vous laisse imaginer lorsque j’ai vu 2 baleines à
bosses le faire en même temps, un vacarme épouvantable
!
Habitué à une eau agitée au Canada
et ailleurs, je pensais trouver une eau plus calme dans
les eaux de Samanà. Pourtant, les mois de janvier
et février ont été très venteux,
avec des pointes à plus de 30 nœuds et des vagues
de 4 mètres. Résultat : tous les passagers
malades. Il n’y a pas eu une journée ou deux calmes
les premiers mois, toujours de la vague. Uniquement 2
ou 3 sorties sur les 3 mois sans que les touristes ne
soient malades. Un enfer pour certains, et pour nous aussi
! Le mois de mars a été très bon,
peu de vent et une mer belle, un vrai régal pour
les clients et les photographes. Aussi, plus facile pour
les trouver.
La distance de la baie de Samaná
de la rive sud et nord est d’environ 25 km lorsque le
sanctuaire démarre puis s’élargit vers le
large (profondeur de la baie de 35 km environ). Elle ressemble
au fleuve du Saint-Laurent (Québec, Canada) au
niveau de Tadoussac lorsque je navigue l’été
(mais large de 40 km environ). Au Canada les baleines
sont concentré très souvent aux mêmes
endroits. La nourriture y est pour beaucoup. Ici, les
baleines peuvent être partout et l’on est obligé
de naviguer de longues distances pour les trouver. Quelques
fois, on a pu observer une mère et son petit rapidement,
mais ce fut rare. Pour cela, nos croisières varient
entre 3 et 4 heures.Deux croisières dans la journée
pendant 3 semaines nous épuisait.
Lorsque je regarde la taille des femelles, celles-ci sont
plus grosses que les mâles, et leur corps est nettement
plus large qu’au Canada. La différence est très
nette. Cela explique leur longue migration de Samaná
vers le nord, l’énergie dépensé les
rends faibles et maigres.
J’ai un très bon souvenir de mon expérience
comme traducteur sur le bateau de Kim Beddall et un honneur
pour moi d’avoir travaillé pour elle. Elle est
sans doute la meilleure concernant l’étude de ces
animaux marins en Atlantique Nord et la première
en République Dominicaine (depuis 1985). Elle m’avait
prêté son appareil photo donc j’ai pu aider
son équipe et les autres scientifiques pour l’identification.
J’ai eu la chance de pouvoir
travailler tout en étant interprète et photographe.
Julien Marchal - Samaná
- République Dominicaine - mars 2011.