L'Echo
des Baleines - Bulletin Suisse du naturaliste Cétologue
- Swiss Cetacean Society - No 10, hiver 2000 - 2001
Le fleuve du Saint - Laurent
et l'embouchure du Saguenay sont un lieu favorable à
la rencontre des baleines. Depuis des années elles
choisissent de venir s'alimenter et s'engraisser avant
de repartir migrer en hiver. L'océanographie du
fleuve permet une concentration importante de plancton,
se heurtant sur un talus à l'embouchure de la rivière
du Saguenay, en face de Tadoussac. Le parc marin du Saguenay
- Saint - Laurent, a été créé
en 1998, englobant Grandes - Bergeronnes, Tadoussac et
Les Escoumins.
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Ici, l'eau
est presque aussi salée que dans l'océan
et des tonnes d'éléments nutritifs
se déposent sur le fond. Remontée
à la surface par un courant influencée
par les marées, le plancton prolifère
et entame se chaîne alimentaire. Des poissons
pélagiques s'en nourrissent et sont ensuite
mangés par les baleines. |
Une vingtaine d'espèces
côtoient le Saint-Laurent. Plus fréquemment
le rorqual commun (Balaenoptera physalus), le petit rorqual
(Balaenoptera acutorostrata) et les bélugas (Delphinapterus
leucas) sont observés à chaques sortie.
Il est courant de voir le premier ou le second s'alimenter
en surface, devant des touristes armés de leurs
caméras.
La région vit essentiellement
du touriste. L'observation en mer a rapporté en
1995 51'000'000 Ca$ pour 3000000 visiteurs. Le double
a été enregistré en l'an 2000 et
la courbe ne cesse d'être exponentielle.
Au mois d'octobre 2000,
le parc marin et toutes les personnes concernés
aux AOM (Activités d'Observation en Mer), ainsi
que les organismes de recherche, ont déposé
des propositions réglementaires au gouvernement.
L'une d'entre elles concerne le béluga : on
va obliger les embarcations à se tenir à
400 mètres de distance. De plus un permis obligatoire
va être attribué à 54 bateaux du parc
marin. Une amande pouvant aller jusqu'à 100'000
Ca$, pourra sanctionner toute infraction à la Loi
sur le parc marin du Saguenay - Saint - Laurent.
Nous savons depuis
longtemps que les bélugas accumulent des
contaminants toxiques dans leurs tissus. Situés
au denier niveau de la chaîne alimentaire,
ils ingèrent des poissons et invertébrés
fortement contaminés. |
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En examinant les tissus
d'animaux morts, on y trouve une concentration élevée
de plomb dans les muscles et le foie, des DDT, PCB et
organochlorés, un taux de mercure élevé,
tumeurs et cancers. Les résultats ont montré
que les bélugas sont de 100 à 1'000 fois
plus contaminés que leurs voisins de l'Arctique !
Après allaitement,
les veaux sont contaminés par leurs mères
et le cycle reprend. De même, certains contaminants
ont un effet immunodépresseur. Cependant, les scientifiques
restent prudents quant aux effets de ces polluants. Les
prélèvements sanguins restent impossibles
sur des animaux vivants, à moins qu'un béluga
soit pris vivant dans un filet par accident. Dans ce cas,
on effectuerait une analyse sanguine sur les veines apparentes
de la caudale. Il a été possible dans l'Arctique
de capturer des bélugas à l'aide de filets,
de prélever des cellules et de les tester face
à des contaminants semblables à ceux du
Saint - Laurent. Les fumées polluantes, insecticides
utilisés en agriculture, résidus pétroliers,
hydrocarbures, pentures à base d'étain et,
dans un autre contexte, la pêche sportive, interfèrent
sur les mammifères marins.
Des efforts ont été
apportés par les industries mais ce sont toujours
les grandes usines situées au bord des grands lacs
américains qui polluent.
Le dénombrement des bélugas a été
controversé car la méthode aérienne
ne prenait pas en compte les espèces sous la surface.
Maintenant, avec la méthode
du transect linéaire + un facteur de 15%, les estimations
vont être rétablies. Mais il va falloir beaucoup
d'années pour confirmer le nombre et donner une
estimation exacte ! Actuellement, entre 800 et 1'200
bélugas fréquentent le Saint - Laurent.
Environ 250 individus sont photo - identifiés par
le GREMM.
Un travail
identique de photo - identification est effectué
chez le rorqual commun, le petit rorqual, la baleine
bleue (Balaenoptera musculus), le cachalot (Physeter
macrocephalus) et la baleine à bosse (Megaptera
novaeangliae). |
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Entre 1986 et 1996, environ
200 rorquals communs ont été photographiés
et l'étude se poursuit jusqu'à cette année.
Il faut savoir que 4 parties distinctes sont retenues
pour les identifier : le chevron, le flanc, la dorsale
et le pédoncule caudal. La coloration du pédoncule
est plus importante du côté du côté
droit de la tête, identique au mandibule blanc droit.
Au début des années 80, seulement le flanc
droit était photographié chez le rorqual
commun, du fait de sa pigmentation évidente, mais
l'équipe du GREMM a décidé ensuite
de prendre les deux côtés. Depuis, les photographient
prouvent que les deux flancs peuvent apporter de précieux
renseignements.
La même équipe,
celle du Parc marin du Saguenay - Saint - Laurent et l'Institut
Maurice Lamentagne ont suivi, pendant l'été,
25 rorquals communs grâce une balise émettrice
fixée sur leur dos. Ils ont constaté que
leurs activités sont différentes entre le
jour et la nuit. Le jour, les baleines s'engagent à
des plongées profondes en U, à la tête
du chenal Laurentien. Chaque fois précédée
de courtes plongées, dont en forme de V. Pendant
la nuit, ils s'alimentent en surface, ce qui est normal
du fait de la remontée du krill, pour s'alimenter.
Cette étude est une première mondiale, lorsqu'on
sait que les baleines aiment passer plus de 90% de leur
temps sous l'eau.
D'autre part, l'équipe a constaté
que le trafic maritime avait une influence sur leur activité
alimentaire. Les baleines rencontrent une pollution sonore
et passent donc moins de temps en profondeur pour cibler
leurs proies.
Le fleuve du Saint - Laurent
est un lieu unique d'observation et d'étude. Nous
pouvons apprendre beaucoup de la recherche, des lois et
préventions de ce pays pour protéger les
cétacés.
Même si nous sommes
réticents au développement d'excursions
purement touristiques pour l'observation des baleines
en Méditerranée (et particulièrement
dans le sanctuaire), nous pouvons conjuguer nos travaux.
Le problème des pollutions industrielles et sonores
et certaines espèces de cétacés que
nous rencontrons sont identiques.
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Sources
et bibliographie conseillée :
(1)
Atelier de Travail Régional sur les Activités
d'Observation de Mammifères Marins, Résumés
des Projets de Recherche Scientifiques, Parc Marin
du Saguenay - Saint - Laurent, mai 1998.
(2)
Les Baleines du Saint - Laurent, La Recherche
et l'Education : un passeport pour le XXIème
siècle, GREMM, 1998.
(3)
Bulletin de liaison « Le Souffleur »,
depuis 1989, GREMM.
|
(4)
Simard Yvan, Comment la mer nourrit-elle les baleines
à Tadoussac ou Le pourquoi océanographique
de la visite estivale des rorquals dans l'estuaire maritime
du Saint - Laurent, à la tête du Chenal Laurentien
(Tadoussac, Les Escoumins, Grandes - Bergeronnes), L'Euskarien,
Les Sciences de la Mer, p.33 à 38, été
1994.
(5)
Rossignol Anne, L'estuaire maritime et le golfe du Saint
- Laurent, Camet Océanographique, INRS - Océanologie,
1998.
(6)
Michaud Robert, Rencontre avec les Baleines du Saint -
Laurent, GREMM, 1993.
(7)
Fontaine Pierre - Henry, Les Baleines de l'Atlantique
Nord, Biologie et Ecologie, Editions Multimondes, 1998.
(8)
Robert M., Vézina A., Rondeau N. et Vigneault Y.,
Distribution annuelle et caractérisation préliminaire
des habitats du béluga (Delphinapterus leucas)
du Saint - Laurent, Pêches et Océans Canada,
Rapport technique canadien des sciences halieutiques et
aquatiques, No 1756, septembre 1990.
(9)
Pippard L., Status of the St. Lawrence River Population
of Beluga (Delphinapterus leucas), Canadien Field - Naturalist
99 (3) : 438 - 450, 1985.
(10) Lesage
Véronique and C.S. Kingsley Michael, Updated Status
of the St Lawrence River Population of the Beluga (Delphinapterus
leucas), Department of Fisheries and Oceans, Maurice Lamontagne
Institute, 1998.
(11) Règlements
sur les activités en mer dans le parc marin du
Saguenay - Saint - Laurent, Fondement législatif,
Loi sur le parc marin du Saguenay - Saint - Laurent, Ministère
du Patrimoine canadien, Canada Gazette Part 1, 28 octobre
2000.
(12) Saucier
François et Cabana Anne Marie, Les eaux du Saint
- Laurent - Guide d'interprétation scientifique
du Parc Marin du Saguenay - Saint - Laurent, Division
des Sciences Océaniques, IML, Pêches et Océans
Canada, octobre 2000.
(13) Sites
web du GREMM : www.baleinesendirect.net
ou www.whales-online.net
Julien Marchal.
NB : Ecrit pour Swiss
Cetacean Society au GREMM (Groupe de Recherche et d'Education
sur les Mammifères Marins),
Tadoussac, Québec / Canada, octobre 2000.